samedi 5 avril 2014

Le mois de mars s'est envolé


Je croise chaque jour des patients en phase terminale et je jase avec deux d’entre eux. À l’étage des soins palliatifs, il y a un salon où viennent manger ceux et celles qui peuvent encore se déplacer. Il y a donc souvent une petite jasette le matin ou en soirée.  J’y viens chaque jour depuis deux mois. Depuis deux semaines, j’y dors souvent, car nous avons entrepris de veiller maman et lui procurer une présence rassurante et chaleureuse en tout temps.

Voilà trois semaines que ma mère a cessé de manger volontairement et qu’elle  ne boit que quelques gorgées. Depuis une semaine, on a cessé de lui offrir de l’eau, car elle s’étouffe facilement. On humecte la bouche avec une pipette éponge. Elle est immobile. Les nuits et les jours se suivent sans aucun nutriment dans une chambre dont les rideaux sont un peu entrouverts.  À petit feu, si lentement, son corps s’assèche, ses jambes se sont momifiées, son corps n’en finit pas de se déshydrater…. Je n’aurais jamais cru que la charpente, les muscles, le cœur les poumons puissent être si longs à mourir... Malgré  plusieurs  séances de chimio auparavant, et malgré un premier jeûne obligatoire en février, son corps a encore des réserves...Il faut la tourner aux deux heures. Parfois on espace les rotations pour la laisser tranquille. Quand je déplie ses bras, c’est tout moite dans le creux du bras. Après qu’on l’ait manipulée aujourd’hui, et on lui a demandé si ça allait? Elle a répondu : Il le faut. Quel courage, elle ne se plaint jamais. Ma mère fait preuve de sérénité et de dignité dans cette traversée. Que se passe-t-il dans son esprit? Elle s’est plus ou moins réfugiée dans un mutisme. Mais elle est encore lucide dans ses moments d’éveil. Tellement d'amour, tellement d'attente...

Quand son cerveau cessera-t-il de donner la commande de respirer? Quand mourra -t-elle d’une arythmie ou d’une insuffisance rénale?

De mon côté, j’ai cheminé avec ma colère et j’accepte que je ne puisse rien faire pour accélérer le processus.  J’essaie d’être le plus paisible possible, mais je ne vois pas le sens de cette vie sans vie.

Ajout: Il y a une équipe de gens extraordinaires qui lui prodigue des soins de confort avec plein de délicatesse et qui s'assure qu'elle ne souffre pas. C'est un immense réconfort pour la famille.

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